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Publié le 18 Oct 2018
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Par Antoine Charlet et Richard Pialat, deux spécialistes de l’OTT chez Globecast. Tamponné par Thierry Monteil, un de nos spécialistes de la télé par satellite.

 

La télévision par satellite présente depuis 1976, et qui offre des chaines linéaires, s’est généralisée dans les années 80 et 90 pour atteindre ce qui semble un pic à la fin des années 2010. L’OTT débute plus ou moins avec du contenu à la demande et notamment Youtube en 2005 et n’a cessé de croitre depuis.

Alors, le satellite et l’OTT sont-ils concurrents ou complémentaires lorsqu’il s’agit de la télé et de la video ? Voici dix questions pour tenter d’y voir clair selon votre situation.

1. Qui est votre audience ?

La première question serait « pour quelles zones avez-vous les droits » ? Mais prenons le problème un cran plus haut. Qui est votre audience ?

  • Un pays

Vous êtes une chaine ou un groupe média local. USA, Brésil ou Japon. Eh bien, le satellite couvre très certainement votre zone. Aucun doute là-dessus.

L’OTT ? Oui, aussi mais peut-être pas aussi bien. Peut-être pas partout. Peut-être pas partout avec la même qualité. Et pourtant, bien que la qualité du réseau broadband influe sur la meilleure qualité OTT accessible, un avantage indéniable de l’OTT réside dans sa capacité à fournir le service dans des conditions d’accès hétérogènes.

  • Une Diaspora

Par définition la diaspora se trouve dans plusieurs pays. Deux, trois ou cent cinquante. Là aussi, difficile d’être certains d’être présents partout avec la même qualité en OTT  (qualité du réseau internet, couverture géographique du CDN)

Par contre, il y a forcément un satellite qui couvre votre zone, ou une flotte de satellites si votre diaspora est particulièrement dispersée. La bonne réponse dépendra du nombre de zones à couvrir. Multiplier les satellites peut être techniquement complexe et onéreux. A contrario en OTT à partir d’un seul point géographique vous pourrez être présent dans l’ensemble des régions de votre diaspora à condition d’avoir une bonne couverture du CDN choisi.

  • Une catégorie

Vous visez les jeunes actifs ? Dans le monde entier ? Vous voilà avec les mêmes questionnements que si vous visiez une diaspora. Votre cible peut être potentiellement partout. Alors il y a la langue bien sûr qui peut réduire votre empreinte géographique. Mais cette audience risque d’être hétérogène géographiquement, mais sera plus homogène en terme de comportements ou de devices utilisés.

Pour vous aider à y voir plus clair :

Temps de visionnage TV par région

state of online video 2017

2. Quels écrans visez-vous ?

Selon votre audience, selon son pouvoir d’achat peut-être ou sa situation géographique, vous devrez amener votre contenu sur des terminaux très différents.

Vous vous adressez principalement à des jeunes qui évoluent entre iPhone, tablette et Playstation ? Vous n’avez pas trop le choix, l’OTT s’impose.

Votre cible est constituée d’une audience qui regarde surtout votre live depuis son salon ? Le satellite. Votre cible est fan de sport ? La dernière coupe du monde l’a démontré : la latence, supportable la plupart du temps, peut s’avérer problématique à des moments précis.

Vous êtes déjà sur le satellite et votre audience est de plus en plus digitale ? Optez pour une offre « second screen » OTT. Si vous avez des compétences en site web ou application, avec l’OTT vous pouvez maitriser la lecture bout en bout, ce qui est plus compliqué avec une diffusion satellite sur STB.

Mais il y a une myriade de comportements selon les audiences. Du spectateur traditionnel à la generation Z


Tout comme les habitudes varient selon les pays :

Source : The Atlantic.com 2014

Si la part de l’écran télé diminue un peu partout, il ne faut pas oublier que sur une télé, même connectée, on regarde la télé. Ce qui n’est pas le cas sur les autres écrans.

3. Votre audience a-t-elle accès à l’internet haut débit ?

C’est un peu la base, mais sans internet, difficile de livrer un service OTT de qualité. Internet est partout depuis bien longtemps mais la question du haut débit se pose. Aujourd’hui, il y a 32 000 chaines satellites en SD et 10 500 en HD et un peu plus de 100 chaines 4K. En 2023, ce sera 26 000 en SD, 18 200 en HD et près de 1 000 en 4K. Certes pendant ces 5 ans, l’internet broadband va se développer mais difficile de lier son développement à celui d’un réseau sur lequel vous ne maitrisez pas tout. C’est le critère le plus simple mais aussi le plus parlant : le satellite va là où l’internet ne va pas (encore) forcément.

Plus précisément, s’il faut forcément un accès haut débit pour visualiser une chaine de télévision, un utilisateur avec un accès xDSL limité à quelques megabits par seconde n’accèdera qu’à la version SD du programme et un utilisateur ayant la fibre pourra voir le flux en UHD s’il est disponible. A contrario, cette question de débit ne se pose pas avec le satellite. Une fois que la distribution est compatible HD ou UHD, vous pouvez toucher toute votre audience avec la même qualité.

4. Votre contenu est-il TRES populaire ?

Plus précisément, combien de vues quotidiennes fait votre contenu ? Que vous ayez 1 000 viewers ou 10 millions, le satellite livre le même signal : une fois. Pour l’OTT, il va livrer 1 000 à 10 millions de signaux. Donc plus vous avez de viewers, plus le satellite devient intéressant financièrement par rapport à l’OTT.

Mais quel est le ratio magique qui permet de basculer de l’un à l’autre ? Les avis divergent : ici on explique qu’au-delà de 100 000 à 500 000 viewers, l’OTT est plus cher que le satellite. Là, on indique que l’équilibre financier pour le satellite tourne autour de 50 000 viewers.

L’OTT devient de plus en plus abordable car les coûts baissent de près de 20% par an. Mais l’époque où les prix des satellites s’envolaient chaque année est également terminée. Le fait est que si vous avez 10 millions d’abonnés, vous avez a priori besoin des deux pour atteindre votre audience si nombreuse. La difficulté se trouve plutôt dans les chiffres inférieurs. Sans parler que tout cela se complique si votre signal est en 4K… Et qu’en fonction du type de contenu et du pays ciblé, il se peut que le streaming ne soit pas autorisé (contenu adulte ou violent) à cause de la réglementation en vigueur.

5. Etes-vous prêt pour la 8K ?

Le déploiement de la 4K commence à peine avec un peu plus de 70 services actuellement disponibles,  que la 8K est déjà dans le viseur. Bien sûr, il est un peu tôt pour la 8K, mais selon que votre contenu est filmé et distribué en SD, HD, 4K ou 8K, il peut être plus intéressant pour vous d’opter pour l’OTT ou le satellite.

Plus le contenu est lourd, plus il est de qualité, plus le satellite peut s’avérer une solution financièrement viable.

Pour regarder en ligne un film de 2 heures en 8K, à un débit de 80 Mb/s, il vous faut télécharger un peu moins de 100 GB. Pour profiter du Superbowl, compter le double. Selon vos prix de CDN et si vos utilisateurs sont des gros consommateurs, l’équation risque de se compliquer. Heureusement, les CDN vous permettent de diminuer la consommation globale dans des proportions qui peuvent atteindre 99,95% de caching pour les audiences massives (compter 80% pour une audience plus faible). Selon vos prix de CDN, streamer votre contenu sera plus ou moins facilement rentable. En tous cas aujourd’hui.

Des solutions se développent néanmoins, le webrtc (norme présente dans HTML5 permettant de faire du peer to peer) et bien sûr les nouveaux codecs (HEVC, AV1). Et pour des services très populaires il est aussi possible d’intégrer des équipements de caching directement dans les réseaux opérateurs pour faire baisser les coûts de CDN mais là, nous arrivons à la limite entre OTT et réseau managé. À vous de voir donc vos plans par rapport à la 8K, 4K.

Concernant le satellite, la 4K et la 8K ont un coût bien sûr mais il est plus simple à estimer et surtout, ce coût reste fixe quel que soit le nombre de personnes regardant le contenu.

6. Vous êtes dans le sport ?

Quoi de plus désagréable qu’entendre un but à travers la fenêtre du voisin ou d’être averti avant vous d’un résultat alors que vous regardez votre match sur votre mobile dans les transports ? Le satellite offre pour le moment une meilleure latence.

Concernant l’OTT ? De nombreuses améliorations sont en cours avec de nouveaux formats (CMAF) ou nouvelles manière de délivrer le flux OTT (http 1.1 Chunked transfer encoding). Le but étant de s’approcher de la latence satellite. L’OTT permet aussi d’avoir une meilleure expérience utilisateur en ajoutant différents angles de vues du stade, plus de statistiques, revoir des actions ou des buts en quasi temps réel.

7. Vous êtes plutôt live ou plutôt VOD ?

La VOD sur satellite existe indéniablement, tout comme il est indéniable que Netflix repose sur de l’OTT.

Si vous envisagez la VOD comme un service de complément, ponctuel ou d’envergure limitée, le satellite pourra répondre à vos besoins. De plus, la VOD est généralement offerte uniquement aux clients payants du satellite et demande un mix satellite et OTT : le catalogue est poussé par satellite, le download s’effectue par OTT.

Si vous voyez la VOD comme un incontournable de votre business model, l’OTT se révèlera nécessaire. Elle vous permettra de sécuriser votre contenu (DRM par exemple), de le délivrer en plusieurs qualités et formats (pour adresser le plus de devices possibles), d’enrichir l’expérience utilisateur (réseaux sociaux, liens vers d’autres contenus ou sources d’information) et d’obtenir de nombreuses statistiques d’usage de votre service afin de l’améliorer et donc d’accroître vos revenus.

De plus l’OTT vous permettra de proposer un service de catch-up assez facilement.

8. Et les services à valeur ajoutée ?

Le satellite n’est pas – encore – en état de rivaliser avec l’OTT sur l’interactivité ou les services à valeur ajoutée qu’internet peut apporter. Cette interactivité est native pour l’OTT car l’OTT suppose une connexion internet. Connexion qui peut aussi servir à :

– un second écran et les services associés

– des interactions sur le premier écran : sondages, stats etc.

– fournir du NPVR et start over

– Réalité virtuelle

– Partage d’extraits de vos contenus sur les réseaux sociaux

– reprise du programme lors du passage d’un device à un autre

Mais le HbbTV, de même certains logiciels propriétaires embarqués dans les box comme canalsat, offre un lien de retour et permet un premier niveau d’interactivité sur satellite. Un premier niveau qui peut parfaitement se révéler suffisant. Tout le monde ne souhaite pas prendre le contrôle des 24 caméras pour le match de la finale de la coupe du monde !

9. Comment monétisez-vous ?

Publicité ? Vous trouverez votre bonheur avec les deux, mais l’OTT permet de faire de la publicité ciblée (pouvant intégrer des liens vers les produits ou annonceurs) avec remonté de statistiques de visionnage ce qui en fait une distribution de plus en plus appréciée des annonceurs :

 Ici aussi la technologie avance en intégrant les publicités ciblées directement dans le flux pour contrer les ads blockers.

Les players HTML5 intègre maintenant le protocole VAST, cela permet d’avoir accès à un grand nombre de publicités, voir combien de fois la pub a été lu et vendre au plus offrant son créneau pub.

Payant ? Là-aussi, OTT ou satellite, vous pouvez monétiser votre contenu. On est plus sur une approche de négociation de distribution de contenu via des partenaires/opérateurs pour un contenu satellite alors que vous pouvez gérer vous-même la monétisation de votre contenu via une diffusion OTT (DRM, CMS). En ayant votre propre base de client, vous pouvez mieux cibler vos campagnes de pub et d’abonnement.

10. Et demain ? Avec la 5G ?

Le satellite évolue avec les normes DVB-S2 et DVBS2X pour le transport et l’amélioration du système de codage type HEVC pour la 4K et la 8K. Ça bouge aussi du côté OTT. Codecs, protocoles de distribution, gestion des pubs, etc. évoluent rapidement et ne nécessitent pas de changer tout un parc d’un coup. On adapte le contenu diffusé selon les capacités de chaque device, on peut déployer une nouvelle fonction ou un nouveau service sur une zone géographique contrôlée ou sur un faible pourcentage d’utilisateurs pour analyser leurs retours, si le service est mieux perçu, plus utilisé.

Et puis il y a la 5G. Son déploiement démarre en 2020 avant d’atteindre une vitesse de croisière vers 2022-2025 selon les pays. La 5G pourrait changer la donne en faveur de l’OTT, mais il se pourrait également que les facteurs qui ont ralenti le déploiement de la 4G dans certaines zones se répètent pour la 5G.

Dans tous les cas, les satellites de nouvelles générations assisteront le déploiement de la 5G.

Entre votre audience, sa localisation, ses habitudes, votre contenu, sa qualité, vos services à valeurs ajoutées et votre monétisation, vous êtes à même de choisir entre OTT, satellite ou bien les deux !

Dix questions, c’est beaucoup et peu à la fois. Nous avons oublié une question ? Faites-nous en part.

Et si vous souhaitez être accompagné pour déterminer le meilleur plan de distribution, contactez-nous !